Je parle souvent des joutes languedociennes sans pour autant en donner la pertinence avec le thème ce blog, la danse de caractère. Ces deux univers se concilient très bien. Il me parait difficile de les dissocier. Alors voilà l’occasion d’y entrer en profondeur afin d’en cerner les contours (ou du moins, d’apporter une réponse). Aussi, Quel lien existe-t-il entre la pratique musicale des joutes languedociennes (hautbois et tambour) et la danse de caractère ?
Remontons à l’origine des joutes. Elles ont participé fortement au maintient de la pratique musicale des hautbois-tambour. Celle-ci daterait du XVIIème siècle au moment des joutes organisées lors de la fondation de la ville et du port de Sète (Laurence Pierre. Variations sur un même instrument. Le hautbois en Bas-Languedoc du XVIIIe au XXe siècle. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, n°1-2/1993. L'identité vécue. Discours, rites, emblèmes (Provence, Languedoc, Hautes-Alpes) sous la direction de Jean-Noël Pelen. pp. 85-126 page 86)
Concernant la provenance du tambour, il a fait son apparition vers la fin du moyen-âge en Italie. Les suisses l’emploieront dans l’infanterie « et comme la plupart des fantassins suisses se mirent au service des nations étrangères, ils ont appris l’usage du tambour militaire aux nations qui les employaient, particulièrement à la France». En France, au début du XVIeme siècle, il était d’un usage régulier ( Robert GOUTE, TAMBOUR D'ORDONNANCE, VOL. II; ed.Robert Martin, p.81).
A ce même siècle, un chanoine, Thoinaut-Arbeau, publia une œuvre majeure « l’orchésographie ». Il stipule que la danse dépend surtout du rythme de la musique. « Parlons donc de la danse guerrière ( c’est-à-dire de la marche), puis nous parlerons de la récréation ». Robert Goute (ex-tambour major de la musique de l’air ) le spécifie: « les batteries se bornaient à varier les battements servant à marquer le pas ». Le restant de son ouvrage montre bien la place que les hautbois et tambours ont occupé au sein de l’armée. Vers 1795, le hautbois fut remplacé par la clarinette. Le tambour, bien qu’il connut des hauts et des bas dans l’armée, y perdure encore de nos jours. Je n’ai pas réussi à trouver plus de précisions du type de hautbois pratiqué par l’armée à cette période…
A propos du hautbois du bas-languedoc, les premières mentions dates du XVIeme siècle. Il « a longtemps tenu une place privilégiée pour l’accompagnement de la danse et l’animation de diverses fêtes » ( Laurence Pierre. Variations sur un même instrument. Le hautbois en Bas-Languedoc du XVIIIe au XXe siècle. p.85) . Ceci jusqu’à l’arrivé des harmonies et fanfares aux alentours de 1900 ; où l’activité du hautbois se restreindra en particulier à l’accompagnement musical des joutes. Dans son ouvrage, Pierre Laurence évoque plusieurs fois l’accompagnement de la danse par les hautbois-tambours.
Dans ces deux ouvrages (de robert goute et Pierre Laurence), le lien n’est pas très explicite concernant la marche militaire et la pratique du hautbois-tambour des joutes. Cependant, il mérite d’être souligné.
Il n’empêche que dans la pratique de la méthode de Robert Goute du tome 1, le lien se ressent. A travers la pratique du tambour, il fait travailler la coordination de la marche (pied et main). Sur le 1er temps d’une phrase musicale, tu démarres pied gauche et frappe avec la baguette de la main droite, le 2ème temps pied droit et frappe de la main gauche et ainsi de suite. Vous avez un bon exemple ici. C’est une base simple qui se complexifie. Elle permet de maîtriser le pas de marche en identifiant le début d’une phrase, chaque temps, le moment où j’amorce mon pas. Et alors, de connaître la durée d’un pas de marche (par exemple d’un temps). Ce travail aide le corps à se repérer dans un rythme et dans l’espace (gauche-droite).
A partir de cette méthode, j’ai commencé et je continue de penser comme un tambour que ce soit à la danse ou au hautbois ; en sachant que le phrasé du tambour correspond à celui du hautbois. Dans la danse, il suffit de garder en mémoire le pas de marche. Quand j’enrichis mon jeu de frappe au tambour, j’enrichis plus facilement mon jeu de jambe. Un jeu de jambe en ayant en tête l’image d’un militaire (posture droite, figure de guerrier). Quand quelqu'un me transmet un pas ou quand j'en transmet un, il est nécessaire de marquer le rythme et que le rythme soit net et claire. C’est la danse de caractère tel que je l’ai apprise, avec des caricatures de personnages, d’évènements de la vie. La pratique militaire de cette danse équivaut à celle du tambour. La rigueur militaire, sa précision donne son charme à cette danse et la musique.
Pour les défilés de joute, c’est bien pratique. N’est-ce pas ? :)
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